
La nouvelle exposition "Chevaux, héros oubliés ? Archéologie d'une espèce au fil du temps" sera présentée du 5 avril 2025 au 5 janvier 2026 au Site archéologique Lattara-musée Henri Prades de Montpellier Méditerranée Métropole.
Cette exposition présente le fruit de recherches inédites et interdisciplinaires sur les chevaux, à la croisée entre écologie et archéologie. Ces animaux qui ont été si proches de nous tout au long de l’histoire de l’humanité, offrent une histoire complexe de leur évolution et des relations établies avec les Hommes depuis la nuit des temps. Tenter de raconter cette histoire, c’est inviter chacun des visiteurs à une réflexion originale dont le but est d’enrichir la perception des liens qui nous unissent, humains et chevaux, en reconstituant au plus près leurs conditions de vie.
Pour mieux comprendre l’histoire individuelle des chevaux du site protohistorique de Pech Maho à Sigean dans l’Aude, il s’agit de croiser l’étude archéozoologique de cette population, datée de la fin du IIIe siècle avant J.-C., avec la population actuelle des chevaux de Przewalski, conservés par l’association Takh sur le causse Méjean.
Le caractère fortement interdisciplinaire des approches est emprunté aux méthodes de l’archéozoologie et des sciences associées telles que la biochimie isotopique, la biologie moléculaire, la paléoécologie (morphométrie, usures dentaires, cémentochronologie). Le pari est de tester ces méthodes sur des restes crâniens de chevaux actuels mis à disposition par l’association TAKH (centre de conservation des chevaux de Przewalski, Lozère).
Vue aérienne du site de Pech Maho bordant la "Plaine du Lac" où s’étendait la lagune visible en arrière-plan. © Nicolas Chorrier
Le comptoir commercial de Pech Maho (Sigean, Aude) est fondé vers 550 avant J.-C. sur un promontoire proche de l’embouchure antique de la Berre. Ce petit habitat fortifié d’à peine 1,5 ha intra-muros se situe en bordure d’une vaste lagune, dominant un point de passage terrestre nord-sud incontournable. À la croisée des aires commerciales d’Emporion (Ampurias) et de Massalia (Marseille), la fondation de cet établissement semble résulter d’une coopération directe entre indigènes et acteurs du négoce colonial. Les imposantes fortifications témoignent de l’importance du lieu, à la fois débarcadère, comptoir, entrepôt, place de marché et lieu de production manufacturière, où résidait une aristocratie contrôlant l’activité économique dans cette partie du littoral.
Le site connait un épisode de destruction dans le dernier quart du IIIe siècle avant J.-C., probablement le fait de l’armée romaine dans le contexte de la deuxième guerre punique (218-203 av. J.-C.). Incendie, effondrement des bâtiments, destruction ou mutilation systématique des éléments symboliques témoignent de la violence de cet assaut.
Après cet épisode, le site est immédiatement réinvesti pour devenir le théâtre d’une série de pratiques rituelles, parmi lesquelles le dépôt massif de plusieurs dizaines de carcasses d’équidés, comprenant a minima 85 chevaux et 6 ânes, constitue le fait le plus troublant. S’agit-il d’un rite à dimension sacrificielle dans le cadre d’une cérémonie d’abandon du site ? ou d’une scène de boucherie chevaline ? Au vu de la documentation disponible, il semble pour l’instant difficile de trancher en faveur d’une hypothèse précise. L’étude archéozoologique de ces ossements, dont le contexte stratigraphique est bien connu grâce à la fouille, permet toutefois d’apporter un éclairage sur une espèce – le cheval – jusque-là peu visible dans l’archéologie de l’âge du Fer. Le fruit de ces travaux de recherche alimente ainsi la réflexion sur l’histoire des chevaux, leur évolution, leur nature mais, plus encore, sur leur vie et leurs relations avec les groupes humains.
Au fil du temps, les liens entre l’homme et le cheval ont très fortement évolué. Les fossiles montrent la présence d’équidés bien avant l’apparition de l’homme moderne, homo sapiens.
Au Paléolithique, le cheval revêt une importance à la fois économique et symbolique pour les différentes cultures européennes. Les chasseurs-cueilleurs perçoivent le cheval comme une ressource alimentaire mais aussi comme une source de matière première. Ils organisent des chasses collectives et mettent en œuvre la technique de rabattage-interception. Parallèlement, le cheval occupe une place de choix dans les représentations tant sur les parois des grottes ornées que sur les artefacts. Ces nombreuses représentations illustrent la fascination pour cet animal sauvage que les hommes côtoient au quotidien. Elles traduisent aussi, certainement, une fonction symbolique associée au cheval dans la pensée du Paléolithique, sans qu’on ne puisse toutefois la déterminer avec précision. À la fin de la dernière période glaciaire, les troupeaux de chevaux sauvages semblent se raréfier en Europe, sans doute en lien avec les bouleversements bioclimatiques et leurs incidences sur la végétation.
La famille des chevaux (equidae) inclut les espèces sauvages actuelles des ânes, des zèbres et des chevaux. Il y a pourtant un autre type de cheval, dit sauvage, qui représente en réalité des chevaux domestiques retournés dans la nature en autonomie et sans plus de socialisation avec les humains : on appelle cela le marronnage. L’étude de ces populations, parmi lesquelles figurent les chevaux de Przewalski, nous apportent des éléments fondamentaux pour comprendre la vie des chevaux anciens, c’est-à-dire des espèces éteintes mais retrouvées à l’état fossile dans les fouilles archéologiques.
Le cheval de Przewalski a été découvert par les Européens à la fin du XIXe siècle en Asie. En 1969, il fut déclaré éteint à l’état sauvage, les derniers spécimens vivant alors en captivité dans des zoos. Il faut attendre les années 1980-1990 pour observer la réintroduction en semi-liberté de ces chevaux dans des centres de conservation en Chine, en Mongolie et en Europe. Le plus ancien projet européen est celui porté par l’association TAKH sur le causse Méjean, qui œuvre pour la préservation de l’environnement des chevaux de Przewalski et la sauvegarde de cette espèce en danger.
Lavogne Nivoliers, abreuvement des étalons ©TAKH
Une exposition produite dans le cadre des projets de recherche Hippographies et Vivécologique, avec la collaboration de l'association Takh.
Commissaire scientifique
Armelle Gardeisen, directrice de recherche, CNRS, UMR 5140 - Archéologie des sociétés méditerranéennes
Conseillers scientifiques
Nicolas Boulbes, Institut de paléontologie humaine, Centre européen de recherches préhistoriques de Tautavel
Éric Gailledrat, directeur de recherche, CNRS, UMR 5140 - Archéologie des sociétés méditerranéennes
Commissariat général
Diane Dusseaux, conservatrice en chef du patrimoine, Site archéologique Lattara-musée Henri Prades, UMR 5140 - Archéologie des sociétés méditerranéennes
Florence Millet, chargée des expositions et de sites, Site archéologique Lattara-musée Henri Prades
PROGRAMMATION CULTURELLE
♦ Conférences (auditorium du musée | entrée libre)
• Jeudi 10 avril 2025 à 18h30 : "Défaite et des fêtes. Le destin singulier de l'oppidum de Pech Maho à la fin du IIIe s. av. J.-C." d'Éric Gailledrat, CNRS-ASM.
• Samedi 14 juin 2025 à 15h30 : "La conquête du cheval : l'histoire de "la plus noble des conquêtes"" de Ludovic Orlando, CNRS-CAGT.
• Jeudi 11 décembre 2025 à 18h30 : "Cheval et humain : comment se comprennent-ils ? Synthèse des connaissances éthologiques les plus récentes" de Léa Lansade.